Les presidents de la Republique ont l’ensemble de fera l’objet de biographies. Mais aucune n’accorde vraiment d’attention a leurs epouses. Or, dans le contexte de Georges Pompidou, le couple fusionnel qu’il formait avec Claude, sa femme, empeche d’agir ainsi. C’est du reste le parti pris de Henry Gidel dans son livre “Mes Pompidou”. Extraits (1/2)
Henry Gidel
Henry Gidel a deja publie de nombreuses biographies, traduites en quatorze langues, dont celle de Feydeau (Flammarion), Cocteau (Flammarion), Coco Channel (Flammarion) ou bien Jackie Kennedy (Flammarion). Cela a recu en 1991 le Grand Prix international en critique litteraire Afin de chacune de le oeuvre.
Cela en a assez, plus qu’assez, mais il lui faut continuer, et forcement avec le sourire. Neanmoins, le plus penible a ses yeux, votre ne semblent gui?re les fatigues en campagne. C’est bien nouvelle chose… Pierre Mazeaud, magistrat mais egalement celebre alpiniste et vainqueur de l’Annapurna, se trouve a ses cotes au sein d’ sa voiture, alors que durant la course a l’Elysee, il parcourt des Hauts-de- Seine.
Soudain, a sa grande surprise, il apercoit des larmes couler de l’ensemble de ses yeux. Alors le futur president d’une Republique lui saisissant le bras, lui evoque : « Ah ! mon petit Mazeaud, c’est vraiment trop dur, trop dur ! » et y continue a sangloter. Alors que Mazeaud s’imaginait que le candidat faisait tout simplement allusion a toutes les fatigues d’la campagne, Cela reste facilement detrompe : il apprend que des fonctionnaires des RG venaient de lui montrer d’odieux photomontages representant sa femme qu’il adorait dans des postures particulierement scabreuses.
Autre temoignage : a votre epoque, dinant a Lille a l’hotel Royal, en tete a tronche avec Maurice Schumann, il n’ouvre pas la bouche un seul instant, mais se leve continuellement, pour se rendre a J’ai cabine telephonique. Apri?s, un coup devenu President, tenant a s’exprimer aupres de lui, il lui revele, tres emu : « C’etait le jour le plus triste ma life. Si j’habite alle telephoner diverses fois de suite, c’est parce que ma femme etait au bord du suicide. » Elle venait de recevoir des lettres anonymes truffees d’insultes ordurieres. On mesurera le desarroi de Pompidou i l’instant meme ou il avait tant besoin relations pour introvertis de sa volonte, lorsqu’on apprendra qu’il redigeait aussi un petit propos ou il evoquait J’ai force de l’amour reciproque qui le liait a le epouse. C’est la si»rement qu’il puisait l’energie indispensable a son combat.
Voici ces lignes edifiantes tout recemment publiees : « Nous nous mariames. De votre jour nous n’avons cesse de nous aimer sans partage. Dans le monde parisien dont on sait votre qu’il reste, j’ai dit un jour a une jeune femme charmante et qui se plaignait un brin : “Ne dramatisez nullement. Je ne connais a Paris qu’un bon menage et c’est le mien.” Dans votre certitude, nous puisions l’un et l’autre une grande liberte d’allure exterieure, par pudeur d’etaler des sentiments. Mais le fond est indestructible. C’est penser a quel point m’importe que le image ne puisse etre ternie. »
Manifestement ce post, date de l’automne 1968, fut redige peu de temps libre apres qu’eclate l’affaire Markovic.
Tout y est devoile via la gravite de votre drame intime qui dechire des Pompidou. Car si l’affaire Markovic est odieusement publique, la tragedie personnelle que vivent nos Pompidou, est a l’abri des regards. Les manifestations exterieures en sont rarissimes. Mais on devine, on conjecture, on deduit : quand Claude, par exemple, dit sans ambages aux journalistes sa profonde aversion pour le monde politique, on peut, sans risquer de se fourvoyer, imaginer que cela devra engendrer plusieurs problemes dans un couple tel que le leur. Mais on ne sait guere De quelle fai§on ils nos resolvent, voire s’ils parviennent a le faire.
Rassurez-vous, c’est des remedes susceptibles d’effectuer mieux supporter pareille situation : le loisir veut bien que les epoux partagent quelque chose : en l’occurrence, c’est l’amour de un enfant, l’affection d’une famille ou regne une bonne entente, des amis communs choisis en dehors des milieux politiques, une tres vive passion pour nos lettres et nos arts. Helas, la violence, la duree et l’inlassable repetition des attaques sont venues a bout de Claude, d’ou l’angoisse permanente de son mari : dans l’etat ou elle se deniche, elle pourra d’un instant a l’autre passer a l’acte.
Mais quelle situation concernant le futur president d’une Republique ! Que doit-il faire ? Que peut-il Realiser ? Renoncer a sa candidature ? Ce pourrait etre d’une certaine maniere reconnaitre le bien-fonde des rumeurs accusatrices. Cela en est d’autant moins question qu’il pense etre determine dans le action non par une vulgaire ambition personnelle mais par un authentique destin. Il semble certain qu’il n’est nullement absolument jamais libre, qu’il n’a gui?re La selection, que personne d’autre que lui ces jours-ci ne devra ni ne pourra remplir les fonctions presidentielles telles que nos a voulues le general de Gaulle.
« Des 1962, confiera-t-il apri?s, oui, des mon arrivee a Matignon, j’ai su que je serais un jour president d’la Republique. » C’est Afin de lui un sort qu’il subit sans ravissement, d’ailleurs, puisqu’il ne repond gui?re a sa authentique nature, celle d’un authentique epicurien. Et il sait bien que la politique ne le rendra pas heureux…
Extraits du livre “Mes Pompidou” de Henry Gidel publie a toutes les Editions Flammarion